Mettre en image l’histoire et les émotions que lui inspire la musique de Mahler, voilà le défi que s’est lancé Catherine Varvaro, timbalière de l’OSD, pendant la pandémie de COVID-19. Le 16 mars prochain, les fruits d’un long travail de recherche et de création verront le jour à la Maison des arts Desjardins Drummondville, prenant la forme d’un roman graphique sur fond de symphonie.

Incursion dans les coulisses et les prémisses d’Illumine la nuit: la symphonie illustrée, avec l’instigatrice du projet!

Un projet longuement mûri

L’idée mijote depuis bien longtemps dans la tête de la percussionniste, et il faut remonter à ses premières années d’université pour en retrouver la genèse. « La Symphonie n° 5 de Mahler a teinté tout mon parcours puisque c’est une des premières pièces que j’ai jouées avec l’orchestre de l’université. C’est une musique qui me parle énormément, mais je sais aussi qu’elle fait peur à bien des gens qui la perçoivent comme de la grande musique intellectuelle et compliquée. J’ai voulu trouver un moyen de montrer au public ce qu’il y a à l’intérieur de cette musique dite complexe, la rendre accessible et la démystifier. » 

Comment y parvenir? En racontant en concert une histoire inspirée par la symphonie, appuyée par une autre forme d’art. Après avoir exploré toutes sortes de possibilités, l’idée d’un roman graphique s’impose à l’esprit de Catherine. « Cette option permet au spectateur de bien écouter l’orchestre et de bien le voir en même temps que l’histoire se déroule. Quand j’y ai pensé, je me suis dit voilà, c’est la forme parfaite! »

Pendant des années, le projet continue d’habiter Catherine en toile de fond de ses occupations… jusqu’à ce que la vie ne le propulse tout à coup à l’avant-plan, en 2020.

Un point d’ancrage pendant la pandémie de COVID-19

Avant que la pandémie mondiale ne vienne mettre sur pause le milieu des arts de la scène, la percussionniste et timbalière mène une vie bien remplie. « Passer de musicienne à temps plein hyper occupée à maman à la maison avec une enfant de moins de 2 ans, toute seule pendant que mon mari continue de travailler, j’ai trouvé ça difficile. Ce n’était pas dans mes plans, disons. Travailler sur mon projet est donc devenu essentiel à ma santé mentale », se souvient elle.

Y consacrant quelques heures par jour pendant que son conjoint prend le relais auprès de leur fille entre les heures de boulot, la musicienne prend le temps de réfléchir, de faire des recherches et de prendre des notes avant de se lancer dans la construction de l’histoire qu’elle racontera sur la Symphonie n° 5.

La femme derrière le compositeur

Au fil de ses lectures, Catherine découvre l’histoire d’Alma Mahler, femme de Gustav Mahler, dont le mariage est célébré à peu près au moment où s’écrit la Symphonie n° 5. Désirant elle-même s’épanouir comme compositrice, Alma se heurte à son mari qui le lui interdit. 

Endossant dès lors les responsabilités nécessaires pour soutenir la carrière de Gustav, tant au niveau musical que domestique, elle joue un rôle-clé dans l’ombre pour permettre à ce dernier de produire ses œuvres et de se tailler une place importante dans le milieu de la musique classique. 

« Ça m’a inspirée, d’autant plus que ça rejoignait ce qui m’habitait à ce moment-là: la maternité, les attentes face à la maternité, l’isolement, la place des femmes. J’ai essayé de partir d’une vision très réaliste de ce qui entoure la maternité, et j’ai décidé d’inclure deux compositions d’Alma Mahler à la symphonie, sous forme de prélude et d’épilogue, pour lui donner la chance de s’exprimer, d’avoir le dernier mot. » 

S’entourer d’une équipe forte

Rapidement, l’illustratrice Pauline Stive se joint à la musicienne pour créer le visuel du roman graphique, et la dramaturge Alexis Diamond arrive pour la guider, l’aider à cibler ses idées et éviter qu’elle ne s’éparpille à travers toutes les pistes possibles. « Elle a été essentielle pour m’aider à faire des choix et à établir un bon fil conducteur. »

Le processus est extrêmement enrichissant, mais aussi très exigeant. « Je crois que Pauline et moi, on était un peu naïves au départ. On n’avait aucune idée de tout le travail que ça représenterait! Mais on a énormément appris en cours de route, et on est aujourd’hui très fières du résultat. » 

Leur plus grand défi? Trouver le bon rythme. Dans le travail, tout comme dans ce qui sera présenté sur scène. « Avec une bande dessinée ou un roman graphique physique, le lecteur ou la lectrice peut choisir de s’attarder sur une image en particulier ou revenir en arrière, mais ici, le rythme de lecture est imposé. Il fallait donc déterminer quelles informations étaient visuellement faciles à saisir, et de quelle manière aborder les dessins pour permettre au public de comprendre l’action tout en ayant le temps de l’intégrer. »

Comprenant environ 800 images en tout, le projet est colossal. Malgré quelques moments où l’ampleur de la tâche semble pratiquement insurmontable, la confiance ne s’ébranle pas dans le cœur de l’artiste. « À l’intérieur du processus, j’étais tellement sûre de mon idée, tellement sûre que ça allait fonctionner, que je n’ai jamais remis en question sa concrétisation. Et puis on avait une date de présentation, ça aide à rester concentrées et à terminer le travail! »

L’OSD: un allié à la créativité

En effet, l’Orchestre symphonique de Drummondville devient rapidement un collaborateur de premier plan pour que le projet rencontre son public au fil d’arrivée. 

« Au début de la pandémie, Julien [Proulx], le directeur artistique, a fait un appel à tous aux musiciens et aux musiciennes, nous disant que si nous avions des idées de projet, il était ouvert à les entendre. Je lui ai envoyé un petit résumé encore très embryonnaire de ce que j’avais en tête et il s’est montré intéressé. Il m’a dit go, fais-le et on le programmera éventuellement! Je me trouve vraiment chanceuse d’avoir un chef aussi ouvert aux idées différentes et hors du commun. » 

À chacun son interprétation 

Plusieurs étapes de travail plus tard, les créatrices sont maintenant à la veille de l’aboutissement de plusieurs mois d’investissement en temps, en énergie et en passion. Qu’est-ce que la musicienne aimerait que le public retire du concert auquel il assistera le 16 mars prochain à Drummondville? 

« J’aimerais que les gens sortent de la salle avec une nouvelle perspective de la musique classique. Que la prochaine fois qu’ils écouteront une grande symphonie, ils l’écoutent peut-être différemment, en se créant leur propre récit intérieur inspiré de la musique. Au-delà des sons, la musique raconte une histoire. Celle que je présente, c’est mon interprétation personnelle de cette symphonie, mais il n’y en a pas qu’une seule possible. Il y en a des milliers! »

Illumine la nuit: la symphonie illustrée sera présentée le 16 mars 2023 à 19h30 à la Maison des arts Desjardins Drummondville. Soyez au rendez-vous pour un événement unique qui régalera vos yeux tout comme vos oreilles!